MARCEL PAGNOL, UN MATHEUX MÉCONNU ?
LES MATHÉMATIQUES AVÉ LASSENT !
Penser à l'écrivain Marcel Pagnol en termes de mathématiques pourrait apparaître comme une de ces « galéjades » affectionnées par le chantre de la Provence, des cigales et du soleil ! Et pourtant les mathématiques ne sont pas absentes de son oeuvre.
Sur la table de travail de Marcel Pagnol, un de ses éditeurs, Bernard de Fallois, avait pu observer «un énorme dossier de travaux mathématiques qui contenait toutes ses recherches sur les nombres premiers et sa tentative pour démontrer - il croyait bien y être arrivé - le dernier théorème de Fermat, trônant au milieu d'autres oeuvres : la pièce de théâtre, le Petit Ange, écrite il y a longtemps, et qu'il a décidé de reprendre, sa traduction des Bucoliques, un vieux rêve, en souvenir des classes de latin de M. Leprat, un essai médical sur la fonction respiratoire...».
A propos de cet intérêt pour les mathématiques, l'éditeur poursuit : «Cela, peu de gens le savent, c'est presque un secret. En tout cas, c'est plus qu'un goût, c'est une passion...» .
Les amateurs de Marcel Pagnol ont même failli ne jamais savourer son oeuvre littéraire puisqu'à trente ans, avant même d'avoir publié Topaze et Marius, il avait décidé de se consacrer aux sciences. II commença même l'écriture d'un ouvrage qu'il souhaitait intituler Eléments d'une thermodynamique nouvelle. Si l'ouvrage ne parut jamais, la préface, elle, préfigure la suite : elle met en scène un professeur qui semble être tout droit sorti d'un roman ou d'une pièce de.... Pagnol.
A propos de cet intérêt pour les mathématiques, l'éditeur poursuit : «Cela, peu de gens le savent, c'est presque un secret. En tout cas, c'est plus qu'un goût, c'est une passion...» .
Les amateurs de Marcel Pagnol ont même failli ne jamais savourer son oeuvre littéraire puisqu'à trente ans, avant même d'avoir publié Topaze et Marius, il avait décidé de se consacrer aux sciences. II commença même l'écriture d'un ouvrage qu'il souhaitait intituler Eléments d'une thermodynamique nouvelle. Si l'ouvrage ne parut jamais, la préface, elle, préfigure la suite : elle met en scène un professeur qui semble être tout droit sorti d'un roman ou d'une pièce de.... Pagnol.
Le cercle du poète
Dans cette préface, Marcel Pagnol raconte en effet :
«J'ai reçu une instruction littéraire [...]. Je croyais, en toute bonne foi, que le carré de trois, c'était six. J'avais, évidemment, suivi au lycée des cours de mathématiques et de sciences : mais c'étaient des cours à l'usage des "littéraires", des cours tronqués, sommaires, et qui glissaient sur des raisonnements pour aboutir à des formules, parce que nous étions incapables de suivre les raisonnements, et qu'au surplus nous n'avions pas le temps, en deux heures par semaine, d'apprendre toute la géométrie, l'algèbre, l'arithmétique, la physique, la chimie et l'astronomie. Notre bon maître [...], lorsqu'il nous expliquait quelque belle formule, nous disait : Je ne puis pas vous expliquer comment on y arrive, vous ne comprendriez pas; mais tâchez de la retenir par coeur. Je vous assure qu'elle est exacte, et qu'elle a des bases solides. En somme, ce n'était pas un cours de science : c'était un cours de religion scientifique. (...) Voilà pourquoi, dix ans plus tard, j'ouvris un jour un livre de physique ; voilà pourquoi je le lus tout entier».
«J'ai reçu une instruction littéraire [...]. Je croyais, en toute bonne foi, que le carré de trois, c'était six. J'avais, évidemment, suivi au lycée des cours de mathématiques et de sciences : mais c'étaient des cours à l'usage des "littéraires", des cours tronqués, sommaires, et qui glissaient sur des raisonnements pour aboutir à des formules, parce que nous étions incapables de suivre les raisonnements, et qu'au surplus nous n'avions pas le temps, en deux heures par semaine, d'apprendre toute la géométrie, l'algèbre, l'arithmétique, la physique, la chimie et l'astronomie. Notre bon maître [...], lorsqu'il nous expliquait quelque belle formule, nous disait : Je ne puis pas vous expliquer comment on y arrive, vous ne comprendriez pas; mais tâchez de la retenir par coeur. Je vous assure qu'elle est exacte, et qu'elle a des bases solides. En somme, ce n'était pas un cours de science : c'était un cours de religion scientifique. (...) Voilà pourquoi, dix ans plus tard, j'ouvris un jour un livre de physique ; voilà pourquoi je le lus tout entier».
Ce «bon maître» Monsieur Cros, toujours soucieux de se mettre à la portée des «pôvres» élèves littéraires, n'hésitait pas à utiliser la versification pour leur faire retenir la formule de la circonférence d'un cercle et la surface d'un disque :
La circonférence est fière
d'être égale à 2 π R,
et le cercle est tout joyeux
d'être égal à π R²
d'être égale à 2 π R,
et le cercle est tout joyeux
d'être égal à π R²
Ou encore pour les plus grands de ses garnements :
Le volume de la sphère,
quoi que l'on puisse faire,
est égal à 4/3 π R³
quand même la sphère serait en bois
quoi que l'on puisse faire,
est égal à 4/3 π R³
quand même la sphère serait en bois
Et, comme il était doté d'un accent savoureux, Monsieur Cros roulait les t les r et prononçait "boa".
Ce « bon maître » était sûrement un excellent pédagogue car il avait su faire naître chez le jeune Marcel le goût pour les mathématiques : «Les poésies épiques de Cros et les pétaradantes prestidigitations de M.Oneto [le professeur de physique] me permirent de passer mon baccalauréat, sans rien comprendre aux mathématiques ni à la physique. Mais ces deux bon maîtres m'avaient appris, à mon insu, la seule chose qu'ils pouvaient m'apprendre et qui était capitale : ils m'avaient appris le désir d'apprendre».
Quel professeur ne rêverait de lire un tel compliment sous la plume d'un élève devenu grand écrivain !
Quel professeur ne rêverait de lire un tel compliment sous la plume d'un élève devenu grand écrivain !
Cette préface aura marqué les limites de l'incursion de Pagnol dans le monde mathématique. La littérature française ne s'en plaindra pas. Cependant, on retrouve dans son œuvre, quelques références çà et là aux mathématiques.
Le tonitruant César faisait de la statistique en imaginant le nombre de gens qui pourraient être « couillonnés » si le Bon Dieu était Hindou ou Chinois ! Mais c'est dans son dernier roman, un roman posthume constituant le quatrième tome des Souvenirs d'enfance, Le Temps des amours, que Pagnol met en scène, de façon truculente, les mathématiques.
Le tonitruant César faisait de la statistique en imaginant le nombre de gens qui pourraient être « couillonnés » si le Bon Dieu était Hindou ou Chinois ! Mais c'est dans son dernier roman, un roman posthume constituant le quatrième tome des Souvenirs d'enfance, Le Temps des amours, que Pagnol met en scène, de façon truculente, les mathématiques.
Une partie de pétanque
Bien entendu, lorsque les mathématiques apparaissent chez Marcel Pagnol, elles prennent l'accent du midi...
Au quatrième chapitre, il décrit l'organisation d'un tournoi de pétanque qui voit s'affronter cinq équipes : un tirage au sort a lieu. La première équipe tirée doit affronter la deuxième et la troisième doit jouer contre la quatrième ; la cinquième équipe, elle, peut se reposer et attendre le tour suivant comme si elle avait gagné. Voici de quoi déclencher un sacré pastis ! Et la mère de Pagnol ne trouve pas cela très juste. Alors c'est le père Pagnol qui explique :
«Puisqu'à chaque tour il faut diviser par deux le nombre des équipes, on tombe fatalement sur des nombres impairs ! A moins que le nombre total des équipes ne fasse partie d'une progression géométrique basée sur deux, comme 2, 4, 8, 16, 32, 64, etc.
Et, que l'on soit à Marseille, à Cassis ou à Mazargues, il est rare que chacun ne vienne pas donner son avis lors d'une partie de pétanque. Alors voici l'oncle qui s'en mêle et qui, raconte son neveu, « se lance dans une théorie mathématique». Mais, déjà fatigué sous le soleil, le petit Marcel refuse d'entendre une leçon de calcul supplémentaire !
Té ! le fada !
Plus loin dans le même ouvrage, Pagnol adolescent narre la rencontre qu'il fait, en se promenant en compagnie d'un de ses condisciples, avec un "fou", Monsieur Sylvain Bérard. Cette fois-ci, on aborde un autre genre de mathématiques et nos deux jeunes gens ont à peine peine fait connaissance avec cet individu, que ce dernier leur annonce :
– Tout d'abord, sachez que je viens de terminer la refonte et la mise au point de la géométrie plane d'Euclide. Ce Grec avait bien de l'esprit, mais son ouvrage est gâté par le fait qu'il s'est résigné à y introduire son fameux postulat ! Or, postuler, c'est avouer qu'on ne peut démontrer. C'est supplier le lecteur d'admettre un principe sans pouvoir soutenir cette demande par la moindre raison. Avouez que c'était un peu fort ! J'ai essayé de combler cette lacune par une rigoureuse démonstration de ce postulat, démonstration dont je vous régalerai un jour prochain !
– Tout d'abord, sachez que je viens de terminer la refonte et la mise au point de la géométrie plane d'Euclide. Ce Grec avait bien de l'esprit, mais son ouvrage est gâté par le fait qu'il s'est résigné à y introduire son fameux postulat ! Or, postuler, c'est avouer qu'on ne peut démontrer. C'est supplier le lecteur d'admettre un principe sans pouvoir soutenir cette demande par la moindre raison. Avouez que c'était un peu fort ! J'ai essayé de combler cette lacune par une rigoureuse démonstration de ce postulat, démonstration dont je vous régalerai un jour prochain !
Les deux adolescents éberlués entendent leur interlocuteur poursuivre :
– C'est le «petit a» de mon plan d'ensemble. Le «petit b» est aussi une démonstration : celle de la troisième proposition de Fermat ; la somme de deux carrés peut être un carré, la somme de deux cubes ne peut jamais être un cube. Ce travail fut un agréable passe-temps, et j'en suis à regretter d'avoir trop rapidement résolu le problème, dont les plus illustres mathématiciens cherchent en vain la solution depuis deux cent cinquante ans.
Et, Monsieur Sylvain continue à décrire un «petit c», un «petit d», et ainsi de suite jusqu'à «petit z», laissant les deux jeunes gens abasourdis. La galéjade aurait sans doute régalé les clients du fameux Bar de la Marine ! Monsieur Sylvain peut-il être Marcel Pagnol lui-même qui, ne l'oublions pas, fut un moment persuadé d'avoir démontré le théorème de Fermat ?
Quoiqu'il en soit, les évocations mathématiques chez Marcel Pagnol se laissent aller à des détours par les sentiers de Provence, on ne s'étonnerait pas de les rencontrer, attablées sous le soleil, en train de siroter paresseusement un pastis bien frais !
Norbert Verdier
LE POSTULAT D'EUCLIDE
En affirmant qu'une droite (D) étant donnée, si l'on considère un point A extérieur à cette droite alors il ne passe qu'une seule droite passant par A et parallèle à (D), Monsieur Sylvain explicite une forme moderne du postulat d'Euclide due à l'Anglais Playfair et datant de 1798.
En affirmant qu'une droite (D) étant donnée, si l'on considère un point A extérieur à cette droite alors il ne passe qu'une seule droite passant par A et parallèle à (D), Monsieur Sylvain explicite une forme moderne du postulat d'Euclide due à l'Anglais Playfair et datant de 1798.
Le Postulat d'origine, lui, s'énonce ainsi :
Si une droite, tombant sur deux droites, fait les angles intérieurs du même côté plus petits que deux droites, ces droites prolongées à l'infini, se rencontrent du côté où les angles sont plus petits que deux droites.
Si une droite, tombant sur deux droites, fait les angles intérieurs du même côté plus petits que deux droites, ces droites prolongées à l'infini, se rencontrent du côté où les angles sont plus petits que deux droites.
Au cours des siècles et des civilisations, nombreux sont ceux qui tentèrent de démontrer ce postulat d'où l'obtention d'un grand nombre de formes équivalentes. Mais ils durent renoncer. On montrera plus tard qu'on peut le supposer vrai et alors on est dans le cadre de la géométrie euclidienne ; mais on peut supposer qu'il n'est pas vrai et alors on entre dans d'autres géométries (celle de Lobatchevski entre autres, ...). Ainsi, ne croyez pas Monsieur Sylvain lorsqu'il annonce qu'il nous régalera de sa démonstration du Postulat un jour prochain!
Ne le croyez pas plus quand il prétend avoir prouvé le théorème de Fermat. L'énoncé général stipule qu'il n'existe pas d'entier supérieur à 2 tel que l'équation xn + yn = zn ait des solutions entières. La démonstration, due au mathématicien anglais Wiles est très récente. Tangente l'a déjà largement évoquée. Et en parlera encore !
Ne le croyez pas plus quand il prétend avoir prouvé le théorème de Fermat. L'énoncé général stipule qu'il n'existe pas d'entier supérieur à 2 tel que l'équation xn + yn = zn ait des solutions entières. La démonstration, due au mathématicien anglais Wiles est très récente. Tangente l'a déjà largement évoquée. Et en parlera encore !